Patrimoine musical de l'Océan Indien Click on it !

Notre ami Philippe de Magnée, ingénieur du son talentueux, qui a officié dans l’Océan Indien pendant 38 ans, notamment responsable du son de PEI BATO FOU, a répertorié :

236 artistes,

473 albums,

soient 5305 titres,

dont 2639 rares ou inédits….

A découvrir d’urgence !!!

Philippe de Magnée, ingénieur du son, concepteur du site internet Patrimoine musical de l’océan indien.
Philippe de Magnée, ingénieur du son, concepteur du site internet Patrimoine musical de l’océan indien.

Entretien avec www.lexpress.mu (19/12/17)

 

Philippe de Magnée, ingénieur du son, concepteur du site internet Patrimoine musical de l’Océan Indien est le «Filou» de la musique mauricienne. Il a mis en ligne des pépites sur le site internet Patrimoine musical de l’océan Indien, lancé la semaine dernière. En quelques clics, on voit surtout que ce Belge connaît mieux la musique mauricienne que bon nombre de Mauriciens.

Pourquoi mettre des trésors du patrimoine musical de l’océan Indien à la portée du plus grand nombre, sur un site internet ? C’est pour kit enn tras.
Une phrase empruntée à Bam Cuttayen, «kit enn tras lor ou pasaz». Quelle trace souhaitez-vous laisser ? Cette phrase vient de la chanson Patriot. Kit enn tras lor ou pasaz c’est valable à la fois pour tous les artistes qui sont sur le site, c’est valable pour moi.

Quelle trace voulez-vous laisser ?
J’ai fait des prises de son pendant 38 ans à Maurice. Bon, pas tout le temps, parce que je suis Belge et j’ai mon métier en Belgique. J’ai 63 ans, je suis en fin de carrière. J’ai eu la chance d’être the right man in the right place. Je suis arrivé ici en 1979, au début des années de braise et de l’éclosion des chanteurs engagés.

Comment êtes-vous tombé dans cet univers ?
C’est à cause de Gaëtan Essoo, qui sort de la même école que moi, en Belgique. Quand il est rentré à Maurice avec son épouse, ils ont été engagés par le Mauritius College of the Air (MCA). Ils ont remarqué qu’il n’y avait pas de véritable ingénieur du son à Maurice. Il y avait des techniciens, souvent des musiciens qui avaient appris sur le tas. J’ai eu un contrat avec le MCA pour un an. Apre mo ti telman kontan sa zil la ki monn res ankor inpe.

Je suis resté jusqu’à ce que Ramgoolam père, Chacha, met mwa deor, à cause de l’enregistrement de Krapo Kriye (NdlR : réalisé en 1981). Pourtant, mon nom n’apparaît pas sur la cassette. Mais tout le monde savait que c’était moi qui l’avais enregistrée. Un jour, la police est venue me dire que mon permis de travail avait été retiré. C’était une excuse. La vraie raison c’est que j’avais donné un gros coup de main aux opposants. C’est vrai aussi que je n’enregistrais que les chanteurs engagés de l’époque.

La porte fermée s’est rouverte
Le gouvernement a changé. Mes meilleurs camarades : Gaëtan Essoo qui était devenu directeur général de la radiotélévision et Rama Poonoosamy qui était devenu ministre des Arts et de la culture. Je reviens pour monter un grand studio, mais gouvernman kase. Découragé, je repars pour La Réunion. C’est l’année où j’ai le plus enregistré : Bato Fou, le double album de Ziskakan, la première cassette de Baster, les deux premiers albums de rock de La Réunion et tant d’autres. Là-bas je me considérais comme un Mauricien, alors, je suis parti.

Vous avez déjà demandé la nationalité mauricienne ?
Jamais.

Vous maîtrisez déjà la langue créole (NdlR : l’interview a été réalisée en créole).
Ma vie est en Belgique. Je suis Mauricien de cœur. J’ai adopté une fille mauricienne et je suis grand-père depuis six mois d’un petit garçon à moitié mauricien.

Vous n’avez toujours pas dit quelle trace vous vouliez laisser.
Justement, en plus d’enregistrer, j’ai collectionné. Je travaille avec ABAIM depuis dix ans. Il y a cinq ans, en parlant de la grosse collection qui est sur mon ordinateur avec Zul Ramiah, Gaëtan Essoo et d’autres camarades, on s’est dit, «ki pou fer ar sa ?» L’idée du site internet a émergé. Mais cela coûte cher. J’ai frappé à toutes les portes, ici comme à La Réunion : le ministère, la MBC où j’ai été consultant etc. Partout on m’a dit que c’était une bonne idée, mais quand je demandais un soutien pour payer la logistique, on m’expliquait, «bidze pena». Un jour, après le décès d’un ami, ma femme me dit : «Si un jour tu meurs, je ne pourrais rien faire avec tout ce qu’il y a sur ton ordinateur. » Des inédits auraient disparu. Je me suis fait un petit cadeau pour ma retraite, j’ai moi-même payé le webmaster et le reste. C’est la trace que je laisse.

L’idée de collectionner le patrimoine musical est venue quand ?
En 1997. Je suis revenu en vacances parce que je voulais montrer Maurice à ma fille qui est Mauricienne et qu’on a adoptée en 1986. C’est là que j’ai trouvé des boîtes de cassettes, chez les camarades, au-dessus des garde-robes. C’est là que l’envie de collectionner est venue. J’ai aussi retravaillé avec le Pôle des musiques actuelles à La Réunion et le label Takamba, pour lequel j’ai enregistré Charlesia Alexis.

Sur le site figure un enregistrement de Michel Legris, portant le label Takamba. Il date de 2014. Quand sortira-t-il ?
C’est un peu triste, j’espère que cela va s’arranger. J’ai enregistré Michel Legris en 2014. Six mois plus tard, il était mort. Suite à un remaniement au Pôle des musiques actuelles, Alain Courbis, le fondateur, est remplacé par une nouvelle directrice. Sa première décision c’est d’arrêter le label Takamba qui ne rapporte pas d’argent. Fanny Précourt, l’ethnomusicologue.responsable de la collection, n’a plus les moyens de continuer. Elle est venue à l’enterrement de Marclaine Antoine et a rencontré la famille de Michel Legris. Sa direction s’est engagée à sortir l’album d’une manière ou d’une autre. Est-ce que ce sera un CD ou sur mon site, ou en digital sur iTunes ? On ne sait pas. C’est un témoignage exceptionnel parce que Michel Legris sante, so bann fami zwe. J’ai mis ça sur mon site avec l’accord du label Takamba, met impe presion pour qu’ils sortent le disque.

Ceci dit, le CD ne se vend plus. J’ai rencontré Yoan Catherine la semaine dernière. Il me dit, «be ki mo fer ?» Je lui ai dit, «met li lor iTunes, to gagn enn ti kas, pa bokou».

Pourquoi ?
À cause des textes. Bam Cuttayen c’est le meilleur poète mauricien. Gilbert Pounia à La Réunion, c’est pareil.

Pourquoi la musique mauricienne n’a-t-elle jamais percé à l’étranger ?
À cause du rythme. C’est un 6/8 que les Européens ne savent pas danser. Pourquoi est-ce que Bob Marley a réussi ? C’est parce que le reggae est facile à danser.

Cela ne tient qu’à la danse ?
Ça ne tient qu’à ça.

Comment les Antillais ont-ils fait ?
Pour un Européen, c’est facile à danser, ça. La biguine, c’est une danse française à l’origine, tandis que le séga c’est vraiment typiquement mauricien. Toutes les tentatives, comme Denis Azor avec Alalila ou Anba laba de Maxime Leforestier, ont été vaines parce que personne ne peut danser cela.

La langue, ce n’est pas un problème. Les Belges quand ils écoutent de la musique américaine, ne comprennent pas ce qui se dit. Prenez Li tourner avec DJ Assad. C’est un chanteur mauricien oui, mais c’est surtout du DJ Assad, un rythme que les jeunes écoutent aujourd’hui.

Ce n’est plus du séga ?
Non. C’est comme le seggae de Kaya, ce n’est plus du séga. Cela a eu une petite aura à l’étranger parce qu’à l’étranger on peut danser sur du Kaya mais pas sur du Michel Legris.

Est-ce que l’évolution de la musique mauricienne emprunte un «move sime» ?
Ce qui passe à la radio, c’est ce que j’appelle du, «mo kontan twa, to kontan mwa, anou al dans sega, ti le la e lolo». Il y a plein de gens – je ne citerais pas de noms – qui continuent dans ce registre, parce que ça marche. Alors que Zulu par exemple a toutes les peines du monde pour vendre 200 CD. Ce style de chansons n’est pas sur mon site et n’y sera pas.

Vous avez trié ?
C’est un site avec (il lit) «de la musique traditionnelle : séga typik, malaya, moutia, des chansons engagées des années de braise à Maurice. Le site est ouvert aux musiques de fusion et aux musiques métissées». Cela veut bien dire, j’espère; que «mo kontan twa, to kontan mwa, anou al dans sega», sa pena, bliye. Bon, il y a quelques exceptions. J’ai fait plaisir à des amis, comme Yoan Catherine, il y a un album de Gérard Louis et de Gaëtan Abel. Pour Serge Lebrasse par exemple, je n’ai mis que les vieux albums, c’est du patrimoine.

Et maintenant que vous avez partagé tous vos trésors ?
Il suffit de trouver enn zeness, un modérateur, quelqu’un à qui on peut envoyer des CD. Je peux mourir (grand sourire).

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