Philippe de Magnée, à droite, avec Jean-Marie Thia Son Fat. L’ingé son avait bidouillé un système de double console pour enregistrer en live.

 

 

Depuis sa Belgique natale où il est installé, Philippe de Magnée, l’ingénieur du son du Ziskakan des débuts raconte des enregistrements très « système D ».

Comment un Belge se retrouve-t-il à enregistrer « Péi Bato Fou » en 1983 ?

« J’avais fait mes études d’ingénieur du son à Bruxelles avec un Mauricien, qui était réalisateur-caméraman. Quand il est rentré au pays pour faire du cinéma et de la télé, il s’est rendu compte qu’il n’y avait pas d’ingénieur du son professionnel. Il m’a appelé, je l’ai rejoint à ‘île Maurice en 1979.

Qu’aviez-vous comme matériel ?

Je suis arrivé avec trois micros et un appareil à bandes Revox. J’ai monté un petit sutdio et j’ai très vite été contacté par les chanteurs engagés de l’époque, comme Dev Virahsawmy, Zul Ramiah, le Grup Latanier puisque j’ai enregistré « Krapo Kriyé ». Pendant une fête de l’indépendance de l’île Maurice, le 12 mars 1980, Ziskakan était invité. Ma cassette de Grup Kiltirel IDP « Léritaz » venait de sortir. Gilbert Pounia me dit : « C’est ce son qu’on veut pour notre album ». Je suis parti à La Réunion avec mon Revox, mes trois micros et mon épouse.

Quel son vouliez-vous pour l’album ?

J’avais expliqué à Gilbert que, comme nous étions uniquement en acoustique, il fallait enregistrer en live dans un endroit avec de la reverb, ce qu’on appelle en créole « l’écho ». J’ai dit à Gilbert : « Il faut que tu me trouves une église ». C’est comme ça que le premier Ziskakan a été enregistré dans l’église du Port, de nuit et en live. Puis je suis revenu à Maurice mais j’ai été mis à la porte par Ramgoolam père, parce que j’avais enregistré « Krapo Kryié ». Cétait en 1982, la veille des élections. J’ai croisé Gilbert Pounia à Paris, dans le métro et il me dit : « Reviens t’installer à la Rénion et on enregistrera Bato Fou ».

Donc retour dans l’océan Indien !

Exactement. Je passe toute l’année 1982 à La Réunion. Les trois faces studio de Bato Fou ont été enregistrées au Crac de Saint-Denis (près du Jardin de l’Etat, NDLR), dans un grand local assez sourd. On avait trouvé un quatre-pistes, ce qui était une avancée par rapport aux deux pistes du précédent. Mais il y avait toujours ce problème de réverbération alors on a mixé dans le plus grand amphithéâtre de l’université à Saint-Denis. On a mis deux haut-parleurs et j’ai mis un couple de micros au fond, j’ai récupéré la réverb que j’ai mixée avec les quatre-pistes. C’est pour ça qu’on a cette couleur sur Bato Fou.

Où est enregistré le live de la quatrième face ?

Pendant la tournée Bato Fou. On avait un système de double console de mixage. Jean Marie Thia Son Fat faisait la balance et j’avais mis une console à côté. Tous les micros passaient par des « Y » que j’avais soudés et je mixais en direct les 16 pistes à fond au casque. On a enregistré six ou huit concerts.

Mais aussi les premières parties : Danyèl Waro, le groupe Flamboyant, la troupe Zordi du Port, Polo and Co, Baster… Ces morceaux-là ont été copiés sur des cassettes et je les ai retrouvés en fouillant chez moi. Je les ai mis sur mon site Filou-moris.com (lire par ailleurs). J’ai aussi enregistré la première cassette de Baster. Pour finir, on a sorti un label, Ziskakan Production. J’ai aussi enregistré les deux premiers albums de rock de La Réunion, ceux de Test et de Fun in the Sun avec Jean-Michel Pouzet. Je crois que 1983 est l’année où j’ai le plus travaillé de ma vie (rires).

D’où sortent les bandes qui permettent cette réédition vinyle de Péi Bato Fou ?

De chez moi. La bande originale était partie en France pour faire le double vinyle, et elle est perdue. Mais j’avais fait une copie de secours, dans une vitesse un peu plus lente mais qui donne un très bon résultat. À‡a a servi à refaire le master du vinyle. Le mastering consiste à reprendre les bandes, vérifier que le son n’a pas trop vieilli, remonter les aigus, essayer de retrouver à l’oreille le son que j’avais à l’origine.

www.clicanoo.re

Le Journal de l’Ile de La Réunion

18/2/18

 

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